Nerf vague, méditation, et santé mentale

Une étude impliquant l’Inserm montre que le nerf vague qui relie intestin et cerveau conditionne la survenue d’une dépression induite par des anomalies du microbiote intestinal.
L’association entre dépression et dysbiose intestinale n’est plus à démontrer. Différents travaux ont en effet prouvé que les personnes atteintes de dépression présentent des anomalies dans la composition de leur microbiote intestinal, c’est-à-dire des déséquilibres entre les populations bactériennes qui colonisent naturellement leur système digestif. Certaines sont déficitaires et d’autres au contraire sont en excès. En outre, transférer la flore tronquée d’un individu qui souffre de dépression à un autre sain suffit à déclencher une dépression chez ce dernier, confirmant un lien de causalité. Jusque-là, le mécanisme biologique qui sous-tendait cette association restait énigmatique. Une étude conjointe de l’Inserm, de l’institut Pasteur et du CNRS montre l’implication du nerf vague. Ce dernier est le plus étendu de l’organisme. « Il relie le cerveau à différents organes dont le système digestif et constitue ainsi un lien anatomique direct entre les deux. En outre, des bactéries intestinales sont retrouvées en proximité de ce nerf et impactent son activité, explique Eleni Siopi, première auteure de ces travaux. Et ce nerf est relié à des régions cérébrales impliquées dans la gestion des émotions. »

Ce faisceau d’indices a ainsi conduit les chercheurs à tester ce nerf dans la communication intestin-cerveau dans la dépression. Pour cela, ils ont effectué des transferts de microbiote de souris souffrant de cette maladie à d’autres, saines, présentant un nerf vague indemne ou au contraire sectionné au niveau de l’abdomen (vagotomie). « Cette procédure de transfert est courante en laboratoire pour induire une dépression chez les animaux receveurs. Cela se traduit par une perte
d’intérêt, de curiosité, de motivation, ou encore une apathie lors d’exercices simples », précise Eleni Siopi. C’est d’ailleurs ce que l’équipe a constaté chez les souris contrôles. En revanche, chez celles
qui ont subi une vagotomie, le transfert de microbiote n’a pas induit de dépression. « L’effet est très significatif puisque la totalité des animaux concernés a été protégée de la maladie. La vagotomie a
provoqué un découplage de l’intestin et du cerveau qui a suffi à préserver les sujets de l’état dépressif provoqué par la dysbiose intestinale », clarifie la chercheuse. Si ces découvertes permettent de mieux comprendre ce mécanisme dans la dépression, elles ouvrent aussi la voie à des perspectives thérapeutiques. « Stimuler le nerf vague grâce à la méditation ou encore des massages pourrait renforcer l’effet des traitements grâce à un meilleur contrôle du stress. En outre, moduler l’activité de protéines ou molécules spécifiques du nerf vague pourrait aider à lutter contre la sévérité ou la récidive de la dépression chez les patients, espère Eleni Siopi. À l’heure actuelle, seulement un tiers des patients sont efficacement soulagés par les médicaments, c’est dire comme des solutions complémentaires sont attendues », conclut-elle.
Aude Rambaud
Eleni Siopi : unité 1151 Inserm/CNRS/Université Paris Cité, Institut
Necker-Enfants malades
2E. Siopi et al. Mol Psychiatry., 2 mai 2023 ; doi : 10.1038/s41380-
023-02071-6

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(1) Référence, L’inserm, Magasine N° 58, octobre 2023

Raghida Ramadan
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