Mon âme

« Mon âme ! quand seras-tu donc bonne et simple, sans mélange et sans frais ? Quand sera-tu
plus visible et plus aisée à connaître que le corps qui t’environne ? Quand goûteras-tu les
douceurs qu’on trouve à avoir de la bien-veillance et de l’affection pour tous les hommes ?
Quand seras-tu plein de toi-même et riche de tes propres biens ? Quand renonceras-tu à ces
folles cupidités et à ces vains désirs qui te font souhaiter des créatures animées ou inanimées
pour contenter des passions, du temps pour en jouir davantage, des lieux et des pays mieux
situés, un air plus pur, et des hommes plus sociables ? Quand sera-tu pleinement satisfaite de
ton état ? Quand trouveras-tu ton plaisir dans toutes les choses qui t’arrivent ? Quand seras-tu
persuadée que tu as tout en toi… ?
Nous essayons, Marcus Aurelius, nous essayons…
Promis, nous faisons de notre mieux.
Pais à ton âme (1). »
(1) Pensées de Marc Aurèle, livre dixième, entre 170 et 180 après Jésus-Christ (extrait du
livre, Imparfaits, libres et heureux de Christophe André qui se trouve dans la
traduction d’André Dacier (1742), Paris, jean de Bonnot, 1983.